Sur cette thématique, la « Harvard Business Review » dans un numéro 46 de 2021 traite de ce sujet. J’en fais ici un résumé succinct qui pourrait éclairer.[1]
Comment s’organisent les départs en général ?
S’il s’agit d’un licenciement, le service RH suit une procédure établie qui s’appuie sur des entretiens, des instructions de transfert de tâches, et éventuellement propose des financements d’accompagnement. Le RH fournit aussi le descriptif des dispositifs de France Travail ou de l’APEC.
Dans des cas de mobilité externe désirée, le service RH peut aider le partant à faire face à des incompréhensions de leurs chefs ou collègues.
Quels intérêts pour les organisations d’accompagner les départs ?
Gérer les départs est en lien avec gérer les talents mais les entreprises pensent elles suffisamment à créer de la valeur à long terme ? Car en effet, les anciens collaborateurs peuvent devenir de futurs clients, fournisseurs voire des ambassadeurs de leurs anciennes entreprises.
Respecter les règles et plus ?
En plus de respecter les obligations légales, « un programme holistique de l’accompagnement des départs doit s’intégrer aux politiques RH et de gestion des talents ».
Par ailleurs, la manière de faire vivre la mission, la vision, la culture de l’entreprise à travers l’accompagnement des départs révèle comment le management traite les salariés. S’agit-il d’un accompagnement humain des départs ?
L’impact auprès du public peut être considérable.
La réussite repose sur une préparation au long cours.
Comment préparer les départs longtemps à l’avance ?
- Intégrer les départs comme un processus continu, dès le recrutement.
Ainsi, les cabinets de conseil et d’avocats, où peu d’associés accèdent au rang de partenaires, se saisissent du sujet. L’article précise, par exemple que les collaborateurs de McKinsey&Company sont intégrés au réseau des anciens dès leur embauche,
- Savoir créer un climat de confiance pour mener des entretiens de carrière plus francs avant toute perspective de départ, par exemple en encourageant les managers à oser parler employabilité avec leurs collaborateurs : « je tiens à toi, comment puis-je t’aider pour ton employabilité ? »,
- Avec ce même état d’esprit, tenir les engagements dans le développement professionnel des personnes : leur confier des missions pour enrichir leur CV, contribuer à développer leurs réseaux internes et externes, proposer des mentors, des formations etc.,
- Mener des plans de succession des encadrants seniors et intermédiaires tout en maintenant la continuité des projets,
- Proposer des bilans de compétences.
Les bénéfices obtenus en préparant les départs sont :
- Éviter aux managers d’être pris au dépourvu,
- Avoir du temps pour recueillir des données sur la satisfaction des personnes et leurs intentions de départ
- Permettre de clarifier les attentes en matière de recrutement
- Faciliter les séparations à l’amiable.
Comment accompagner humainement les sorties ?
Quitter un emploi est difficile, alors comment favoriser des séparations plus humaines et en se quittant en bons termes ? Par un geste tout simple parfois comme organiser un pot avec des remerciements publics afin de mettre en valeur la personne.
Dans le cas de licenciement, outre les indemnités, les entreprises procurent une aide à la recherche d’emploi comme par exemple :
- Mettre en relation avec des anciens de l’entreprise,
- Financer des outplacements et le développement de sa marque personnelle (CV, LinkedIn),
- Bénéficier d’un soutien psychologique,
Les employeurs sont en capacité de tirer parti des départs pour les rendre plus humain ; en effet des informations précieuses peuvent être rassemblées :
- Choisir le meilleur moment pour mener l’entretien, en particulier dans une volonté de considération de la personne (quoi de plus pitoyable qu’un entretien inutilement négligé entre deux portes, ou dans un café…)
- Adapter et standardiser les questions liées aux départs, ces questions préparées à l’avance sont à évaluer dans le feu de l’action : certaines seront aidantes et d’autres malvenues. Exemple de ce genre de questions plutôt constructive : quelles projections de carrière imagines-tu ?
- Évaluer la qualité de la prise en charge des départs et des transitions en interrogeant les salariés six mois après leur sortie. Convenir avec eux de ce rendez-vous et le respecter.
Ces éléments donnent à l’entreprise les moyens de modifier les pratiques en un cercle vertueux.
Une façon différenciante et humaine d’accompagner les sorties pourrait s’appuyer sur le réseau des anciens comme expliqué ci-après.
Mettre en relations anciens et nouveaux salariés ?
Pourquoi faire ?
- Une piste pour renforcer la marque employeur des entreprises,
- Un intérêt économique par la recommandation des produits, des services et également pour la réembauche d’anciens, réembauche qui arrive dans certaines entreprises ayant dû passer un mauvais cap et qui redémarrent avec un besoin de réintégrer des compétences perdues.
Quelques pratiques en place :
- Certaines entreprises permettent à leurs anciens et aux salariés actuels de se mettre dans des réseaux communs
- Les anciens animent des ateliers de développement professionnels et des cycles de conférences,
- Des cocktails réunissant anciens et nouveaux permettent d’entretenir des liens et de faire réagir les anciens,
- Des anciens continuent de bénéficier des avantages accordés aux salariés
- Reprise de contact avec des anciens très performants pour leur signifier que la porte est toujours ouverte
En conclusion, je retiens trois points qui me paraissent disruptifs dans la façon de gérer les départs :
- Préparer les départs dès l’embauche,
- Avoir le courage de libérer l’expression en parlant d’employabilité
- Et enfin, bâtir le réseau des anciens à la façon des écoles.
En écho à cet article de la HBR, nous avons chez Grandir, pratiqué aussi l’autre point de vue : celui du partant… qui prend en charge son « Bien-Partir ».
Pourquoi soigner son départ ?
Avoir des objectifs qui répondent à la question.
À quoi vois-tu que tu es bien parti ?
- Parce que j’oserai recontacter un collègue ou un supérieur ou un subordonné ? plus tard ?
- À mon état d’esprit (sentiment de Paix interne) sans rancœur et que je sais parler de cette expérience sereinement
- Parce que j’ai le sentiment que j’ouvre des horizons
- Parce que je construis mon fil rouge en intégrant cette étape
- Parce que je sais que je pourrai être recommandé par d’anciens collègues ou employeurs
- Parce que je pourrai leur proposer des prestations, un jour (éventuellement)
- Parce que je peux recommander des personnes qui veulent avoir accès à mon ancienne entreprise, et que celles-ci seront reçues sur la foi de mon nom.
Nuances selon que je pars vers une entreprise concurrente de celle que je quitte ou non.
Comment faire ?
Voici quelques exemples de pratiques expérimentées que nous avons pu rencontrer.
- Face à une situation paradoxale (objectifs inatteignables, postes ayant perdu tout intérêt, harcèlement, maltraitance…), en parler si possible par exemple au RH ou à son n+1, faire un bilan de compétences (il est possible d’en faire un tous les 5 ans)
- Faire des propositions d’évolution en mobilité interne
- Se faire respecter pendant le départ parfois malgré les procédures RH, par exemple en négociant son agenda (souvent pour des raisons personnelles et d’organisation), ou encore en organisant ses « au revoir », si possible avec la RH ou le n+1
- Choisir soi-même ses prestataires d’accompagnement (outplacement)
- Prendre un conseil ou un coach pour évacuer ses tensions, voire entamer un accompagnement psychologique (burn-out)
Bien partir, faire bien partir oui, laisser partir et partir grandi, en plus ! Une posture humaine, dans la relation.
Marie-Luce Barthelémy
[1] Harvard Business Review n° 46 « Apprenez à vraiment écouter », page 89, Transformer des ex-salariés en partenaires loyaux » Alison M. Dachner et Erin E. Makarius.