Interview de Catherine Soulard [1]
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Pouvez-vous nous dire quel est votre métier et nous raconter votre parcours professionnel ? Je suis aujourd’hui membre de l’équipe RSE d’un grand groupe de bancassurance comme experte climat et environnement. Dans mon parcours professionnel qui précède, je passais de postes de Directeur Technique Actuariat à des postes de consultante en actuariat. |
Attentive aux sujets environnementaux depuis longtemps, c’est la lecture en 2017 d’un livre sur la permaculture et la maîtrise du vivant, qui a accéléré mon envie de creuser ces sujets. Aussi ai-je approfondi la compréhension et l’analyse des sujets environnementaux par d’autres lectures pour en apprendre plus. Or, plus j’apprenais, plus je me disais que c’était une question importante et pourtant je constatais qu’elle n’était même pas évoquée dans mon cadre professionnel.
J’identifie même un moment précis où, comme consultante, je viens remplacer une personne de mon métier et en entrant dans son bureau, je m’interroge : « qu’est-ce que je fais là ? » J’ai vraiment éprouvé ce jour-là le sentiment de ne pas être à ma place. Ce qui m’a conduit à une sorte de vide vertigineux… et le chemin s’est fait alors, petit à petit.
Lorsque l’occasion m’est donnée de réfléchir sur mon parcours professionnel, je cherche à gérer les risques du virage en ne changeant pas tout en même temps. C’est ainsi que naît l’idée de lier l’actuariat et la gestion des risques financiers et assurantiels aux sujets environnementaux. En effet, l’approche actuarielle est analytique et quantitative ; elle vise à gérer ou diminuer les risques. Mon intuition est alors que ces compétences peuvent aider les entreprises à agir pour le climat, exactement comme les assureurs aident les entreprises et les particuliers face aux risques environnementaux.
En quelque sorte, votre changement d’activité professionnelle a nécessité l’invention d’une approche inédite des questions climatiques ?
Pour être plus exact, quelques articles sur une approche risque du climat étaient déjà parus. Mais en effet, je ressens à l’époque le besoin de travailler la question. Ce qui me donnera plus tard l’occasion de tenir le micro lors de rencontres entre professionnels de l’assurance. Je suis assez identifiée dans le métier pour avoir développé cette connaissance.
Qu’est-ce qui vous a poussé à amorcer ce virage et qu’est-ce qui vous a aidé à développer ces compétences ?
Comme je l’ai dit, j’ai un coup d’arrêt à un moment : le vide, plus du tout envie de poursuivre ce métier de consultant en actuariat.
Je fais alors le parcours Tremplin qui me permet de repartir sur ce que je suis et ce que je veux vraiment. Je décide donc de suivre une formation à l’université Paris-Dauphine : un master en développement durable qui aborde notamment la comptabilité socio-environnementale, sujet qui m’intéresse particulièrement car j’ai un esprit quantitatif.
J’apprécie beaucoup les matières enseignées. Le cours sur la santé environnementale m’a presque choquée ; je me suis demandé : « comment se fait-il qu’en 20 ans dans le secteur de l’assurance notamment en assurance santé, je n’ai jamais entendu parler de ça ? » Cette formation élargit ma vision : je deviens convaincue qu’il convient de traiter le sujet de la santé de manière beaucoup plus holistique.
Et plus largement, cette formation à Dauphine m’a amenée à dépasser la seule perspective du climat mais bien à intégrer l’ensemble des sujets sociaux et environnementaux : donc aussi la biodiversité, la santé, la justice sociale…C’est aussi une formation très académique qui impose de lire et comprendre des textes compliqués. Par son exigence, elle m’apprend une vision long-terme. Je l’achève par un mémoire sur la santé environnementale et la place que ce sujet prend dans la stratégie des assureurs.
Grâce au travail sur mon mémoire, je rencontre et interviewe beaucoup de personnes dans l’assurance, des associations, des acteurs de la société civile… Ces contacts nourriront mon nouveau réseau RSE.
L’ensemble de ces travaux m’a également permis de pousser la prise en compte des sujets RSE au sein de l’Institut des Actuaires et d’être identifiée comme spécialiste de ces sujets au sein de la profession. J’ai ainsi pu intervenir sur les questions de durabilité dans différents évènements et travaux de l’Institut des actuaires, notamment au Congrès annuel des actuaires.
Et la transformation en un nouveau travail avec une dimension rémunératrice a-t-elle été simple ?
Il a quand même fallu plusieurs étapes. D’abord un recruteur me propose de rejoindre un petit cabinet de conseil où je retrouve partiellement mon activité précédente mais en ayant la mission de développer la nouvelle activité de conseil RSE. L’inconnu d’alors est le marché. Et en effet, si après que je sois entrée dans cette entreprise de conseil, des demandes arrivent : ces sujets ne sont pas priorisés par les acteurs avec lesquels j’interviens principalement pour raison de méconnaissance des enjeux et impacts et d’insuffisance de budget. Me rendant compte que les objectifs de rentabilité économique de cette petite structure ne vont pas correspondre avec l’investissement nécessaire au développement de cette nouvelle activité de conseil, je fais le choix de quitter ce cabinet de conseil et me mets à regarder les offres d’emploi.
Je vois vite l’annonce de mon poste actuel, c’est l’annonce rêvée qui semble correspondre aussi bien à ce que j’ai envie de faire et à mes compétences mais elle date déjà de plusieurs mois et je ne me sens pas si légitime. Heureusement, je me décide quand même et envoie ma candidature.
La réaction de la RH est très rapide car elle m’apprendra ensuite que, pour elle, je coche toutes les cases. Pour des postes rares à ce niveau, mon profil est la promesse que je saurai m’embarquer sur les multiples sujets que le poste couvre.
Aujourd’hui, comment vous sentez-vous dans ce poste ?
Je dirai alignée sur mon Ikigaï, pour utiliser comme image cette méthode, c’est-à-dire que mon travail est en phase avec ce que je sais faire, ce qu’il me semble important de faire et ce que j’aime faire, mieux même ce que j’aime apprendre car c’est un secteur en plein développement.
J’ai aussi un profil d’intermédiaire très utile dans ce type de poste : j’ai développé une expertise climat et environnement et j’ai aussi une très bonne connaissance du secteur de l’assurance et des mécanismes financiers. Ceci me permet en interne de savoir expliquer aux décideurs et aux différentes directions de l’entreprise l’incidence des risques climatiques, sociaux environnementaux sur leur activité. J’incarne finalement bien le titre d’experte climat et environnement dans cette compagnie.
Propos recueilli par Marc-Antoine de Bagneaux
[1] Scientifique par sa mère et littéraire par son père, Catherine SOULARD a ses racines bien ancrées dans la région Centre dont la nature sauvage de la Sologne et du Berry lui ont donné le goût de la préservation de l’environnement.
Actuaire de formation, son parcours professionnel lui a permis de maîtriser des aspects clés du monde de l’assurance soit en assumant des directions de département actuariat, soit en menant des missions de conseil dans ce secteur. Son souci des enjeux environnementaux l’a amenée à rechercher une voie pour joindre son métier aux innovations nécessaires dans le domaine de la RSE.
Elle a sollicité à plusieurs reprises les coachs de la société Grandir : d’abord lors d’un parcours Tremplin (T62) puis lors d’un coaching. Ces accompagnements l’ont tout particulièrement aidée à prendre en sécurité les décisions d’orientation de sa carrière.
Elle agit aujourd’hui en tant qu’experte Climat et environnement dans un groupe de bancassurance : un métier en forte évolution où elle apporte avec bonheur la rigueur de son métier d’actuaire.