Grandir

Les fruits d’un accompagnement collectif

Interview de Côme, cadre dirigeant au sein d’une ETI française sur un marché de haute technologie
Pour faire face à un constat d’ennui et d’incompréhension durable entre lui et la Direction, il s’est engagé fin 2020 dans une transition de carrière, d’une part avec un coach individuel proposé par son employeur, d’autre part avec un accompagnement collectif choisi par lui (parcours Tremplin), bien déterminé à trouver les raisons de changer d’entreprise. Il nous explique en quoi ce cheminement lui a permis de grandir sans avoir changé d’entreprise.

Frédéric : « Quelle était ta situation lorsque tu as rejoint l’accompagnement collectif fin 2020 ? »

Côme : « J’avais d’une part un besoin pressant de stabiliser et de sécuriser financièrement ma famille pour les prochaines années. Je voulais d’autre part me changer les idées après un PSE aussi éprouvant pour moi que pour mes équipes, et je souhaitais en finir avec une relation tendue avec la direction du groupe dans ma position de directeur technique. Enfin, j’avais envie de retrouver du punch dans ma vie professionnelle, de me créer de nouvelles opportunités de carrière dans le contexte post-covid, et de développer un réseau professionnel amical, ce que je n’avais pas vraiment réussi à faire depuis mon arrivée dans l’entreprise. »

Frédéric : « Et aujourd’hui, 8 mois après la fin de ce parcours Tremplin, où en es-tu ? »

Côme : « Le chemin parcouru est énorme ! Je me suis fait de nouveaux amis aux profils variés, qui étaient eux aussi dans le doute et la difficulté au début du parcours Tremplin. J’ai acquis des repères et une méthode pour réussir une transition adaptée à mon âge et mon niveau de responsabilité. J’ai gagné en lucidité sur mes besoins et mes contraintes, et trouvé de l’énergie pour entreprendre. Je me suis ouvert sur l’extérieur, j’ai renforcé ma confiance en moi, et porte désormais plus d’attention aux autres dans le monde professionnel. Je suis plus serein surtout, j’ai retrouvé du plaisir à partager ! »

Frédéric : « Si tu mets en perspective cette transition, en quoi as-tu le sentiment d’avoir grandi, sur les 3 niveaux d’intervention qui sont les tiens : la personne, le manager, et le dirigeant ? »

Côme : « Il n’est pas facile de distinguer ce que j’ai reçu du parcours Tremplin réalisé entre janvier et juillet 2021, et du coaching individuel dont j’ai bénéficié en parallèle.

En m’appuyant sur Tremplin, j’ai d’abord changé mon regard sur moi. Le travail d’introspection au début du parcours m’a notamment permis de tourner le dos aux difficultés passées et d’évacuer les contentieux pour retrouver joie et optimisme autour de mes solidités confirmées. Il m’a amené à appréhender mes besoins dans leur globalité et assumer ma transition du milieu de vie sous toutes ses facettes. La structuration du parcours m’a mis en mouvement, tout en me protégeant du piège que peut induire le sentiment d’urgence. Elle m’a apporté les outils pour être au clair avec mes projets et aspirations, et pour conforter la légitimité de mes aspirations.

J’ai travaillé, par ailleurs, sur une meilleure connexion instantanée à mes émotions, tout en restant capable de m’en libérer ensuite, et me suis obligé à pratiquer la clarification immédiate en cas de malaise. Quand nous sommes gênés par « un caillou dans sa chaussure » qui nous fait « jouer un rôle », c’est autant d’obstacles dans la relation efficace.

La méthodologie d’accompagnement Tremplin m’a permis de me décentrer de mes propres soucis pour me concentrer sur ceux des autres. C’est un exercice d’ouverture intéressant car il apprend à être empathique, en solidarité. J’en suis ressorti en ayant expérimenté la force de l’humilité et du respect : « si je veux que le monde change, je dois commencer par me changer moi, sans porter de jugement sur les autres. » J’ai désormais à cœur d’installer dans mes relations professionnelles plus de bienveillance sans complaisance, de simplicité et d’authenticité.

Tout ce cheminement intérieur a fait évoluer ma relation aux autres de façon très perceptible.

Le premier résultat de ces changements a été une refondation complète de ma relation avec la direction générale : j’ai soldé le passif qui nuisait à mon image, recréé du lien avec le Comité Exécutif et trouvé une complicité avec le DG. Le ComEx a ainsi totalement changé d’attitude à mon égard, passant de la méfiance à la confiance : tous les projets de transformation que j’ai présentés depuis sur des sujets variés ont été acceptés ! Alors qu’hier encore j’étais la cible des critiques des dirigeants qui me percevaient comme rigide et hostile, je suis devenu aujourd’hui un influenceur écouté et apprécié au plus haut niveau de l’entreprise. 

Le deuxième résultat a été l’apaisement du climat social au sein de ma direction. L’équipe a été très secouée par le plan social, en particulier par la fermeture d’un site : doute, crise de confiance, perte de repères. Sur un autre site où plusieurs salariés du site fermé ont été déplacés, j’ai rencontré récemment des équipes que j’ai trouvées souriantes, dans l’action et la créativité. Ma venue avait été organisée à l’avance, avec des tours de terrain judicieusement préparés. D’ordinaire, je suis obligé de préciser plusieurs fois ce que j’attends et d’expliquer comment je souhaite aborder les sujets…. Là, je n’ai rien demandé et c’était un vrai bonheur. Mes collaborateurs tous niveaux hiérarchiques confondus semblent avoir devancé mes attentes et je n’ai eu que des retours positifs à l’issue de nos échanges. Venant de personnes impactées par le PSE, ces retours sont de vraies pépites.

Et à mon niveau, j’ai fait le constat d’avoir progressé sur ce qui m’était reproché précédemment : on disait de moi que j’avais un management de « faux participatif » bien que dans le dialogue. Et là, les équipes se mettent en mouvement dans le sens que je souhaite sans que j’ai besoin de cadrer outre mesure. »

Frédéric : « Dans le sens que tu souhaites, ou dans le meilleur sens pour l’entreprise ? »

Côme : « Dans le sens que je considère comme étant le meilleur pour l’entreprise. C’est un style de management, où l’on se parle vrai, sur le terrain, avec les équipes. Le tableau de bord nous donne les axes sur lesquels nous voulons avancer et les équipes ont maintenant acquis le réflexe de me proposer un point d’avancement de ces axes importants lors de mes visites. J’ai souvent bâti des feuilles de route stratégiques ; et si je ne demandais pas d’avancement avec insistance, je n’avais pas d’information exploitable et je rentrais dans une spirale de doute et de critique. Depuis, j’ai contribué à faire que mes équipes prennent leur destin en main et développent une intelligence relationnelle, libérée des biais induits par l’attention hiérarchique. J’ai toujours cherché à faire la promotion d’une intelligence relationnelle qui ne considère pas le chef, la discipline, ou le métier comme le premier repère, mais plutôt l’objectif collectif, la créativité, le droit à la parole et le devoir d’écoute. Et il semble que mon style de management plus inclusif qu’autrefois favorise cette transformation. En quelque sorte, j’essaie d’agir pour le bien commun de façon pragmatique, en me désinhibant et en désinhibant les autres par ricochet. En effet, la critique et l’arrogance viennent souvent d’un manque de reconnaissance ou d’attention. Pratiquer l’inclusion permet d’y remédier facilement, en plaçant la relation interpersonnelle en préalable à la transaction technique : « En m’intéressant à toi en tant que personne, je te montre que tu comptes pour moi. » Du contrôle doit cependant être associé à l’inclusion pour maitriser le degré d’ouverture dans la relation à l’autre et être capable de bien réagir en cas de désaccord. » 

Frédéric : « En somme, tu appliques l’approche que prône Will Schutz ? »(2)

Côme : « Il est important de mettre la qualité de la relation en préalable au sujet que nous voulons aborder.  J’ai beaucoup été coaché à ce sujet, et c’est quelque chose que j’ai appris et cherché à intégrer dans ma pratique professionnelle ; cette capacité à donner de la reconnaissance, de l’attention et de l’estime par l’authenticité et la parole vraie, et pas seulement par les moyens conventionnels proposés par les processus RH comme l’entretien individuel ou la part variable. La déconstruction des signes statutaires est souhaitable au profit de l’attention portée à la personne. Saisir et mettre en pratique tous ces ingrédients qui créent les conditions pour interagir efficacement au sein d’un groupe, c’est cela qui m’a fait grandir. J’ai été formaté dans de grands groupes industriels, avec une approche puissante du management par les objectifs, dans des structures hiérarchiques claires. Or depuis un an, j’ai vraiment expérimenté une progression étonnamment fructueuse, dans un positionnement flou au sein de l’entreprise, et dans une situation de fragilité personnelle. Et je pense que cette réussite n’est pas sans rapport avec ce dernier point. »

Frédéric : « Merci, Côme. Pour finir, ces changements ont-ils fait bouger ton positionnement de dirigeant et ta vision du modèle de management pour ton entreprise ? »

Côme : « C’est un sujet de fond que nous travaillons en ce moment avec la Direction, car c’est un axe du plan stratégique : quel modèle de management visons-nous pour l’entreprise dans 5 ans ? Dans ce modèle, le partage de la vision, le respect, la bienveillance et l’égalité des traitements, ainsi que la maitrise de notre impact environnemental pour une activité durable ont une place principale. Communiquer sur le sens, qui découle de la vision, aide à promouvoir autonomie et cohésion, facteurs indispensables pour utiliser toute la puissance du collectif. Il faut parvenir à promouvoir la performance en ayant conscience des limites tant du management par les objectifs, que d’un cadre trop rigide des périmètres organisationnels. Enfin, sanctuariser des temps non productifs me semble indispensable à la créativité au profit de l’entreprise. »

Frédéric Barthe

(2) Dans son livre L’Élément Humain (titre original : The Human Element – 1994) Will Schutz partage sa conviction que les êtres humains ont besoin des autres pour vivre, au même titre que le besoin de manger ou de boire. Ce constat l’a conduit à étudier les besoins relationnels des individus, qui se trouvent sous trois formes : les besoins d’inclusion, les besoins de contrôle et les besoins d’affection.