Grandir

Je sors du « burn-out »

Par Renaud de Paysac, président du groupe Grandir

Qui m’aurait dit, alors que j’entrais dans la vie professionnelle, que je craquerais d’une façon aussi brutale.
Grande école, passage obligé dans une grande université anglo-saxonne, puis très vite en responsabilité de management et détecté comme haut potentiel (HP), tout allait bien.

Belle carte de visite aussi dans un groupe mondial de premier plan, en croissance rapide à 2 chiffres, gros salaire autorisant voyages, investissements immobiliers et dans la foulée je rencontre l’âme sœur, nous convolons après quelques années de vie commune, 2 enfants. Tout va bien.

Un vendredi matin, après être arrivé au bureau et passé échanger quelque mots à la machine à café, je prépare mes dossiers et pars voir un client important.

Dans ma voiture, arrivé sur le parking du client je ne sais pas ce qui me prend : j’éclate en sanglots, une vraie fontaine ! Incapable de bouger, de réagir, je mets plus d’une heure pour reprendre mes esprits, du moins je le pense … car je me retrouve chez moi sans savoir comment.

De retour, mon épouse s’étonne de me voir si tôt. Elle n’aurait pas dû me questionner. J’éclate à nouveau en sanglots, hoquetant, n’arrivant pas à retrouver mon souffle, encore moins parler.

Lundi matin, après un WE prostré, je suis incapable d’envisager de retourner au bureau. Je ne les appelle pas non plus. Je vais voir notre médecin de famille qui diagnostique une très grosse fatigue liée au stress. Il m’arrête 10 jours.

Cela ne m’est jamais arrivé, je suis fort, une « bête de travail » comme disent mes collègues et mes collaborateurs. Et là je ne comprends pas, je culpabilise, que m’arrive-t-il ?

Puis cela dégénère, je ne dors plus, je broie du noir, je passe de la colère à ….

Notre médecin m’adresse vers un collègue psychiatre qui, identifie une très grosse dépression subite : Le « burn-out ». Il me prend en main, m’hospitalise, ordonne cure de sommeil et médocs. 

Après 15 jours, il m’interroge : je raconte mon cadre professionnel, familial, social. Il me fait prendre conscience du rythme infernal que je me fixe : ambition, besoin d’être reconnu, impatience et exigence, challenges successifs, ce n’est jamais assez, toujours plus, au delà de ce qui m’est demandé. Bien sûr, je dois être parfait!

Le corps a lâché, il ne veut plus suivre.

Je remonte la pente, du moins je le crois ! 

Au retour des vacances je retourne travailler. Accueilli par mon patron et mes collègues, tous attentifs et bienveillants, je me rends rapidement compte que je n’ai plus cette dynamique d’avant. Je pars travailler sans envie. Où est passé ma « niaque » ?

…….

Le descriptif ci-dessus synthétise plusieurs éléments réels, rencontrés au fil de notre expérience.

L’origine d’un « burn-out » peut provenir d’une course en avant permanente, de l’incapacité de prendre du recul, souvent lié à une peur : celle de ne pas être à la hauteur, celle d’être « viré ». Ce peut-être de désespérer le bout du tunnel, ou avoir pour origine des raisons personnelles, familiales ou autres. Malheureusement aussi la pression d’un environnement délétère, générateur de culpabilité, d’angoisse, peut entraîner un basculement, ou ouvrir « blessure incomprise, inconsciente ».

A partir de là, que peut-il se passer (sans aller jusqu’au suicide) ?

    • La dépression longue, latente, rarement formulée, ni détectée qui enfonce.
    • L’isolement dans sa tour d’ivoire, le blocage des sensations, une vie conduite en force, le renforcement de la carapace … et bien souvent la rechute finalement prévisible
    • Le besoin de se rattacher à quelqu’un qui protège, qui peut conduire à une situation de dépendance

Heureusement, après une prise de conscience et l’acceptation de ses limites, permet l’acceptation, et d’oser demander de l’aide, puis un travail de mémoire autour des réalisations probantes, des réussites, des fiertés, celles que personne ne peut enlever. C’est le retour vers la lumière.

« C’est ce que j’ai fait : m’appuyer sur mes réussites, identifier mes solidités, apprendre à nommer qui je suis, au meilleur de moi, construire progressivement mon « roc d’être », ce point d’appui intérieur que personne ne peut enlever parce que c’est ‘Mon Histoire’.

S’en est suivit la prise de conscience de ma liberté retrouvée. L’expérience du ‘lâcher prise’ qui ne peut plus être oublié et est alors devenu moteur de mon progrès. »

Et cette joie de retrouver sa liberté intérieure qui rend aussi l’autre libre. Le non-verbal l’induit. En découle aussi l’énergie, le regard et l’action se tournent vers les autres et la sensation d’être utile se traduit par du bonheur.

Pour savoir ce qui nous anime, ce qui nous fait réussir naturellement, pénétrons dans notre mémoire, revisitons nos situations réussies, examinons-en les ressorts !

Se réapproprier le meilleur de nous-mêmes est un travail méthodique: identifier les petites choses ‘ici et maintenant’, se réjouir de ce qui va bien et accueillir nos limites. Choisir et apprendre à nous appuyer dessus.

Il y a des outils, des méthodes, mais surtout c’est une volonté: Voltaire nous dit : « J’ai décidé d’être heureux, car c’est bon pour la santé ! » Le bonheur est un choix !

Après un « burn-out », une profonde dépression, je m’en sors si je fais cet effort de me regarder par le « bon côté de la lorgnette », d’accepter mes limites et de ne pas hésiter à me faire aider par une personne bienveillante* … sans complaisance.

 

 * « Être écouté avec bienveillance, c’est créer un espace pour soi, un espace protégé où la parole exprimée devient parole de transformation »