Depuis la publication d’un article d’HBR (Harvard Business Review avril 2015, N°93, 4 p40 à 50), la performance review (c’est le nom américain de l’entretien annuel) a été presqu’officiellement remise en cause.
Elle semble, en effet, bien peu compatible avec les philosophies d’entreprise libérée ou avec l’économie digitale (start-up,…). D’ailleurs, Google ou General Electric a cessé d’en faire une obligation aux managers comme aux salariés.
Fondement de l’entretien annuel
Rappelons le fondement de ce rendez-vous, inscrit dans la hiérarchie, entre n et n+1. C’est une rencontre mise en place tantôt 1 fois par trimestre, souvent 1 fois par an, et parfois 1 fois tous les 2 ans, au cours de laquelle les deux interlocuteurs font le point des performances du salarié. Ce rituel s’adapte à la vision de la performance et de son accompagnement, vision qui s’avère réellement variée d’une entreprise à l’autre, d’une époque à l’autre voire d’un leader à l’autre. Pour être complet, il semble nécessaire de rappeler qu’en France au moins, la loi impose aux entreprises un entretien professionnel tous les 2 ans, celui-ci sert à estimer les besoins en formation, les acquis par l’expérience et les aspirations d’évolution du salarié. Normalement, cet entretien professionnel est différent de l’entretien d’évaluation, ce qui n’est pas facile à faire : dans la vie réelle, un sujet entraîne l’autre.
Une démarche remise en question
Mon propos n’est pas ici d’analyser les raisons du désaveu de l’entretien annuel, si cet aspect vous intéresse je vous renvoie à cet excellent article de RH info mais plutôt de témoigner comment cette pratique trouve sa place dans les entreprises en croissance : les start-up qui deviennent scale-up, les TPE qui deviennent ETI, bref toutes les entreprises où la question de la coordination[1] se pose.
Dans ces entreprises en effet, il arrive un moment où l’enthousiasme des premiers temps s’étiole au fur et à mesure que le nombre de salariés s’accroît. Viennent alors les premières démissions surprises qui voient partir des personnes sur lesquelles on comptait. Et les observateurs attentifs remarquent aussi qu’émergent des postures manifestant qu’un esprit désabusé s’installe sournoisement chez certains.
Pour faire face à ce genre de dérapage, je constate fréquemment que l’entretien annuel est utilisé comme remède par certains dirigeants. Combinant l’entretien dévaluation et l’entretien professionnel, ils incitent à engager une rencontre d’écoute du salarié sur ces conditions de travail et son aspiration. Ils ne s’intéressent pas alors à une standardisation des évaluations de chacun qui aurait pour principal objectif de justifier les écarts de primes et d’augmentation. Non, ce qui les intéresse alors, c’est de demander à chacun des salariés de se projeter dans un avenir au sein de leur entreprise mais en tenant compte de l’évolution de celle-ci.
La vision des salariés de leur entreprise
Jusqu’où va cette interrogation des salariés sur l’avenir de leur entreprise ? Je constate que certains dirigeants savent rester très ouverts aux propositions même inattendues. Non seulement, ils sont ouverts mais ils encouragent le sujet qui fait partie intégrante de l’échange. Le salarié s’entend poser la question : « comment vois-tu l’évolution de l’entreprise ? » suivi de « dans une telle évolution, qu’aimerais-tu faire alors ? »
J’entends aussi plusieurs cadres et dirigeants s’indigner de cette ouverture faite aux salariés car pour eux, « la vision est l’apanage du dirigeant ». La réalité à l’usage, c’est que l’un ne nuit pas à l’autre. En revanche, si tous les salariés ne manifestent pas des prédispositions à se projeter sur un avenir différent de ce qu’ils connaissent ; ceux qui le font sont bien intéressants à identifier. Quant aux autres, ils prennent plutôt bien cette question.
[1] La coordination entre les différentes activités de l’entreprise, étudiée par H. Mintzberg, est une base de l’organisation qui se transforme le plus quand l’entreprise grandit.