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L’introduction de technologies émergentes dans les organisations du travail

Quels sont leur place et leur rôle dans l’activité concrète ? Comment le déploiement incessant de ces outils peut-il affecter la santé au travail ?

L’arrivée de technologies émergentes (intelligence artificielle, robotisation…) et les nouvelles formes de travail (travail hybride et distanciel, algorithmisation de l’activité, flex-office) bousculent aujourd’hui profondément notre rapport au travail, à nous-mêmes ainsi qu’aux autres.

Les professionnels sont malheureusement trop peu associés à ces transformations qui les touchent pourtant au premier chef. « Ils sont vus au mieux comme la simple variable d’ajustement d’un projet qui les dépasse, au pire comme les exécutants dociles d’une technologie qui devient le maître de ceux qu’elle était censée servir » (Bobillier-Chaumon, 2023). 

Dans un contexte d’entreprise « du futur hyper connectée, le travailleur sera incapable d’intégrer le volume de données générées. C’est une intelligence artificielle qui les traitera et décidera des tâches à effectuer. Il y a un risque de soumission à une autorité technique, omnisciente et omnipotente, et de déstabilisation des règles de métier et de la collaboration dans le travail » (Bobillier-Chaumon, cité par Queruel, 2020). « Allons-nous vers une disparition des décisions sur les questions du travail ? » s’inquiète alors Clot (2018).

Ces organisations « qui ratatinent les questions du travail à l’exécution de tâches et au rendement détruisent la solidarité et nuisent à la santé » (Debout, 2022). Dans ces contextes d’intensification des rythmes et de digitalisation du travail, les environnements se caractérisent désormais par une précarisation du travail, un plus grand individualisme (Dejours, 1998), une vision « court-termiste » et un sentiment d’incertitude grandissant. Ainsi, Rencontrer et entrer en relation peuvent être des lieux de combat, comme le soulève cette newsletter en son introduction.

Or, le travail représente pour chacun la voie privilégiée pour se définir, pour exister. Pour aller bien, nous n’avons pas seulement besoin d’être avec les autres, nous avons aussi besoin de construire ensemble une réalité pour laquelle nous œuvrons à plusieurs (Debout, 2022).

Il devient alors nécessaire d’«aborder ces mutations comme une opportunité de repenser le travail, et même de le repanser… en soignant le travail qui se fait mal et qui peut faire mal ». Ici, l’objectif de la clinique des usages (Bobillier-Chaumon, 2023) est d’accompagner la conception d’un futur du travail qui soit socialement acceptable, professionnellement responsable et humainement soutenable…. Pour continuer à (bien) travailler.

Adrienne JOSEPH (1)


  • Bobillier-Chaumon, M.E. (2023). Psychologie du travail digitalisé : nouvelles formes de travail et clinique des usages. Paris. Dunod.
  • Clot, Y. (2018). Mettre en débat la qualité du travail dans les entreprises. Pour l’institution d’une coopération conflictuelle (vidéo). https://www.uodc.fr/travail/contenu-video/mettre-en-debat-la-qualite-du-travail-dans-les-entreprises
  • Debout, F. (2022). Et si… on arrêtait de travailler (vidéo). https://theconversation.com/video-et-si-on-arretait-de-travailler
  • Dejours, C. (1998). Souffrance en France : la banalisation de l’injustice sociale. Paris. Seuil
  • Quéruel, N. (2020). Marc-Eric BOBILLIER CAHAUMON. Psychologue du travail et outilleur du futur. Santé & Travail, 112, 46-47.

 

(1) Adrienne Joseph : Adrienne est psychologue du travail, diplômée du CNAM, avec un parcours de 20 années de développement RH en entreprises privées/publiques. Cette double approche RH/psychologue lui permet de se saisir des questions de souffrance au travail pour mieux soigner les personnes, le travail, les organisations.

 

En conclusion, rencontrer et entrer en relation peuvent être des lieux de combat ou non. L’essentiel est de rester en lien, ce lien qui fait Vivre et que l’intelligence artificielle ne remplacera jamais.