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Pour un nouveau souffle : point de vue

Par Marie-Luce Barthelémy, Septembre 2020

Nous avons interrogé Yves Laqueille, Directeur Général du Groupe des Industries Métallurgiques de la région parisienne (GIM)[1]  et Fabrice Dagallier, DRH car il nous semblait intéressant d’avoir leurs points de vue sur leurs perspectives positives d’avenir.

 

 

Alors que je réfléchissais à la mise en forme de ce propos, je reçois un mail de l’un de nos accompagnés qui donne toute la dimension humaine de la gestion de la crise liée à l’épidémie de COVID 19 :

« Difficile période évidemment, mais je voudrais en garder le meilleur et vous le partager : ce ne sont que dans les épreuves, au combat ou dans la tempête, ou bien dans les crises sanitaires sociales ou économiques que les équipes se soudent vraiment.

Je pense pouvoir dire qu’avec mon comité de direction nous avons traversé beaucoup de périodes de doute sous pression, mais que nous nous sommes serré les coudes. Pas de différence entre les Armées et l’industrie : la mission n’est pas la même mais l’enthousiasme pour la remplir ne change pas. Pour ma part, je retrouve l’exaltation et l’humilité de diriger des gens à qui je dois tout ».

Patrick CAZIN, Directeur de Business Unit [2]

 

Se serrer les coudes…

Quel rôle joue l’Etat ?

L’Etat a aidé et continue d’aider les entreprises à prendre des décisions pour mettre en place des actions responsables, le chômage partiel en est un exemple saillant notamment afin de préserver l’emploi et de conserver les compétences en interne. A cet égard, il est intéressant de relever que le chômage partiel, initialement impossible à mettre en place pour les salariés travaillant au forfait, l’est devenu en quelques heures.

Les prêts alloués aux entreprises font également partie de l’artillerie déployée.

 

Comment l’entreprise réagit-elle ?

Fabrice Dagallier raconte comment en un temps record le télétravail a été instauré pour les salariés, cadres ou non cadres tout en en respectant les consultations des représentants du personnel.

L’assouplissement des règles de consultation des IRP (réunions virtuelles) et la communication mise en place a permis une adaptation rapide à cette situation inattendue, en tolérant que certaines consultations en principe préalable soient effectuées … à posteriori.

Lors de ces consultations, les représentants du personnel des structures où le dialogue social était satisfaisant avant Covid, ont joué le jeu de la facilitation.

Les DRH ont également pris du temps pour rassurer, informer, communiquer auprès de leurs salariés et se mettre en conformité avec les normes sanitaires édictées en un temps record.

De plus, ils ont rebondi sur les mécanismes légaux pour amortir la crise (chômage partiel, prise de congés payés et accords de performance collective).

Yves Laqueille, par ailleurs, insiste sur les mesures récentes du gouvernement pour favoriser l’apprentissage qui permettent d’alléger les charges et de faciliter l’accès des jeunes sur le marché du travail. Néanmoins, il manquerait encore une communication claire des bénéfices pour l’entreprise, les salariés et les alternants.

Il recommande également de multiplier la création d’écosystèmes comme des partenariats des Centres de Formation des Apprentis avec les entreprises.

Soutenir l’innovation en créant des prototypes développés en France et non à l’étranger est primordial.

 

Perspectives positives d’avenir 

 Fabrice Dagallier recommande de veiller à maintenir les savoir-faire et les compétences internes et pour cela, le DRH doit rester proche du terrain.  Cette proximité est précisément ce qui permettra d’identifier – et de comprendre – au sein des différentes étapes du processus industriel, quelles sont les opérations sensibles (par exemple telle opération de maintenance, ou bien telle intervention ponctuelle essentielle à la réalisation du produit conforme) et mettre en place des dispositifs formalisés destinés à assurer une continuité et éviter une perte des savoir-faire en cas de réduction d’effectifs. Ces dispositifs seront pour la plupart du temps une mise en place de binômes avec validation des acquis.

Il propose d’optimiser les périodes de sous activité afin de mettre en place les entretiens professionnels[3]. Transformer en levier ce qui est souvent vécu comme une contrainte réglementaire.

Les RH doivent encourager et soutenir l’utilisation des Comptes Personnels de Formation (CPF) par leurs salariés en leur apportant toute information qui les aide à orienter leurs choix vers une quête de sens et d’avenir.

Un autre point important pour maintenir la cohésion et l’activité, dit-il est de veiller, lors d’éventuels plans de réduction d’effectifs, à l’engagement des collaborateurs qui restent, ne pas les oublier.

Et puis, il propose une idée hors des sentiers battus dans le cadre de la recherche de sens et de solidarité de plus en plus prégnante : interroger les salariés, les IRP sur des possibilités qui permettraient de maintenir le développement de l’emploi sans porter atteinte à la masse salariale comme par exemple proposer à des cadres à haut niveau de salaire de réduire leur temps de travail et leur rémunération pour embaucher un salarié pendant une durée déterminée et ce avec une vraie réallocation de tâches. Le partage du travail…

 

Finalement, qui sort renforcé de la crise ?

Et parallèlement, comme le rajoute Fabrice, des nouveaux métiers se professionnalisent, ceux liés à l’EHS (Environnement, Santé et Sécurité). Plus généralement, les professions en rapport avec l’environnement de travail, les transports, la consommation électrique, le recyclage, la collecte, et la supply chain (la gestion des flux, les métiers informatiques, la R&D-création de centres de recherches en lien avec la pratique) connaissent une montée en puissance.

Au bilan, dans une période de crise, dire qu’il convient de se serre les coudes, d’être plus à l’écoute des propositions internes et externes dans un esprit de solidarité avec la proximité ressemble à une recette mille fois répétée. C’est donc dans le détail de la mise en œuvre face aux situations vécues aujourd’hui que se déploie réellement le génie. Son carburant se trouve dans les volontés humaines qui refusent la fatalité et préfèrent chercher les pépites et les possibilités enfouies dans une période difficile et inédite.

 

Fabrice Dagallier a effectué son parcours professionnel sur des postes de RRH/DRH, sur la France et à l’international, sur des activités variées, du service aux entreprises à la métallurgie, en passant par la pharmacie (Recherche clinique) et la chimie. Juriste de formation, il a toujours considéré que des relations sociales de qualité sont essentielles, en particulier afin de gérer les situations de crise.

 

Yves Laqueille, ingénieur de formation, a exercé pendant 18 ans la fonction de DRH après un début de carrière dans la R&D, le développement commercial puis la production. Depuis 6 ans, il anime le GIM, chambre syndicale de la Métallurgie pour l’Ile de France. Il a travaillé dans des entreprises de secteurs variés (pétrole, chimie, BTP, électricité, assurances) et exerce également des mandats dans le domaine de la santé.

 

Propos recueillis par Marie-Luce Barthelémy

[1] GIM : Groupe des Industries métallurgiques. http://www.gim-idf.fr/qui-sommes-nous/

[2] Patrick CAZIN est un ancien officier supérieur reconverti dans la Direction industrielle.

[3] Article de Marc-Antoine de Bagneaux :  https://grandir.fr/sujets-de-reflexion/lentretien-annuel-pratique-a-abandonner/