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Se tromper dans l’organisation de son entreprise : erreur de stratégie ?

Par Marc-Antoine de Bagneaux

Pendant quelques années, j’ai eu la chance de travailler avec Bernard C. Blanche, à l’époque il dirigeait la filiale cartonnage du groupe Saint Gobain.

C’est de lui que je tiens l’expression CSM, un sigle que je traduirai par erreur stratégique majeure. Il citait quelques grandes erreurs commises par des dirigeants d’entreprise voire des dirigeants de secteurs entiers ayant abouti à la mise en péril de leur entreprise : le Concorde, ce bel avion, prouesse technologique sans marché, ou encore le transport de pains de glaces taillés dans les névés avant l’apparition du congélateur.

Depuis plus de 20 ans, je travaille à l’amélioration des organisations des entreprises industrielles, j’ai forgé sur une idée semblable, l’expression EOM que je traduirai ici par erreur organisationnelle mineure.

Je choisis de les qualifier de « mineures » pour signifier que ces entreprises vivent avec ces défauts… Ceux-ci ne les tuent pas. En revanche, ils font souffrir les personnes qui y travaillent.

Lorsque je traite de l’organisation, je parle bien de l’organisation collective : comment font des personnes pour œuvrer ensemble ? (la répartition des tâches et leur cohérence).

Ainsi, la simple question de la coordination des tâches est à la source de fréquentes EOM.

En voici quelques-unes :

Si par exemple, vous donnez des primes à vos acheteurs selon les économies qu’ils font, ne vous étonnez pas si un jour un lot complet vous est retourné par un client ou si vos lignes de production s’arrêtent de plus en plus fréquemment*.

Une autre EOM souvent rencontrée, dans toutes sortes d’organisations de l’industrie, du service ou en start-up, c’est ce que j’appelle « le nid ». Le nid est un service, un département, un bureau, ou un petit groupe de personnes qui font le travail que personne n’aime faire, et encore moins eux-mêmes ! Pour diverses raisons, ils ont accepté de le faire. Dans le reste de l’entreprise, j’ai souvent entendu leurs collègues faire semblant de croire qu’eux, aimaient ce travail.

Le manager à qui « le nid » est confié interroge alors le consultant sur les manières de motiver son équipe. Le consultant n’a pas de réponse : la question n’est pas posée au bon niveau.

C’est un cas particulièrement intéressant à analyser en terme généalogique : « Qu’est-ce qui a engendré cette structuration aux conséquences si néfastes dans cette entreprise ? ».

Je ne détaillerai pas cette analyse ici mais j’indiquerai juste que ce défaut est fréquemment issu d’actions de la direction et de l’encadrement motivées par d’excellentes intentions. Malheureusement, les intentions sans analyse du système aboutissent en ce cas à une dégradation de l’ambiance et des initiatives au travail.

Une fois identifié ce défaut peut trouver des voies de correction à deux conditions :

  • la volonté du dirigeant et de ses actionnaires de résorber le problème,
  • un travail sur chacun (ses libertés d’action et d’expression pourvu qu’elle soit collaborative).

Ce défaut ne fait jamais l’objet d’une demande de mission d’organisation et c’est donc lors du diagnostic qu’il est relevé. Il réoriente la mission de transformation sur un objectif qui se révèle atteignable.

Ces missions aboutissent parce que chacun de ceux qui s’en emparent sont les mêmes qui la subissent ou qui la créent.

 

* Cas personnellement vécu, pour des cartons d’emballage qui n’avaient pas la résistance nécessaire pour les cartonneuses ni même pour le transport des marchandises. Les acheteurs avaient pris la décision de changer la référence sans se concerter avec la production.