Grandir déploie chez I4CE [1], les questionnaires de personnalité (moteurs et comportements [2]) ; Damien Demailly-DGA [3], raconte.
Quelle est la raison d’être d’I4CE ?
Nous sommes un institut de recherche composé de collaborateurs engagés qui travaillent pour une cause, celle du climat. Leurs moteurs : apprendre, comprendre et contribuer concrètement à la lutte contre les changements climatiques. Nous travaillons avec l’humain et essayons de créer un cadre de travail bienveillant, où chacun est invité à prêter attention à lui-même et aux autres. Notre raison d’être est de faire progresser les politiques publiques sur le changement climatique, cela veut dire pousser des politiques publiques plus ambitieuses, plus efficaces et plus justes. C’est notre mission et nous faisons cela en produisant de l’expertise avec la conviction que prendre le temps d’analyser les problèmes, saisir les avantages et inconvénients de chaque politique publique, de chaque réforme est utile pour faire progresser le débat et l’action concrète. Nous avons deux mots clés : la rigueur intellectuelle et l’impact. Nous avons une approche scientifique pour exercer une influence sur les politiques. |
Quelle est ta mission au sein d’I4CE ?
Mon rôle est de m’assurer que nous avons un impact et non pas juste que nous produisions de l’expertise pour nous faire plaisir intellectuellement. En amont, je vérifie que nous nous positionnons sur les sujets importants pour les décideurs publics, si possible en anticipant les problèmes à résoudre. Et en aval, je m’assure que nous valorisons bien nos travaux, que l’expertise est délivrée aux bonnes personnes et au bon moment.
Pourrais-tu donner un exemple ?
Nous avons depuis longtemps la conviction que l’État doit être transparent sur ses dépenses budgétaires et identifier celles favorables à la transition et celles allant à l’encontre de la transition. I4CE a pris l’initiative il y a quelques années d’analyser le budget de l’État pour identifier les dépenses positives et négatives. Résultat : l’État publie désormais chaque année en même temps que son budget un rapport sur l’analyse environnementale de celui-ci. Nous avons aussi aidé quelques collectivités à faire de même, et désormais elles sont plusieurs centaines à le faire et l’Etat soutien la généralisation de cette pratique à toutes les collectivités.
Autre exemple : nous incitons depuis plusieurs années l’Etat à se doter d’une stratégie pluriannuelle de financement de la transition. Cela a désormais été acté dans la loi : cette année, la première stratégie pluri annuelle sera publiée et débattue avec les parlementaires.
Quelles sont les motivations qui te poussent à proposer les questionnaires de personnalités au Codir d’I4CE ?
- Au sein de notre comité directeur, le CODIR, et au sein de l’Institut, nous avons des personnalités différentes. Nous sommes différents dans nos motivations et dans les manières de travailler, de discuter, de prendre des décisions.
Nos manières de travailler mènent parfois à des incompréhensions, des frustrations. Par exemple, une personne de profil un peu « rouge » (le profil « Dominant » du DISC), d’un naturel fonceur, impatient, énergique, éprouve des difficultés lors de discussions, de décisions, qui prennent trop de temps ; alors que d’autres y sont plus à l’aise.
L’idée de cette proposition est de prendre le temps de bien se connaître individuellement et également de se connaître collectivement pour réussir à mieux travailler ensemble et éviter les tensions qui naissent dans un groupe qui collabore.
- Et puis il y a notre personnalité, et notre personnalité lorsque nous sommes sous pression. Nous voyons bien que nos qualités peuvent se transformer en défaut lorsque nous sommes sous pression.
En avoir conscience, individuellement et collectivement, permet de se dire les choses de façon légère voire un peu drôle : « attention, tu es en train de devenir rouge foncé » permet de désamorcer les situations de tension parce qu’on en parle, on en rit ; il est alors plus facile de travailler ensemble.
Comment cette proposition est-elle accueillie ?
Comme toujours, il y a différentes réactions. Des personnes enjouées à l’idée de prendre du temps pour avoir ces discussions. Des personnes sceptiques se posant la question des bénéfices voire des intentions cachées (y a-t-il des problèmes ?). Des personnes intéressées de tenter l’expérience sans être convaincues que cela leur apporte quelque chose.
Mais rapidement, le projet fédère s’il est bien mené et s’il est clair que c’est un projet dans la durée. À l’issue de la démarche, il faut poursuivre l’échange sur les résultats des questionnaires et développer un « réflexe couleur » dans nos interactions. Et maintenant, par exemple, nous gardons à l’esprit les profils de personnalité dont nous avons besoin quand nous recrutons afin d’équilibrer le groupe que nous formons.
Quelles sont les motivations qui te poussent à proposer les questionnaires de personnalités à l’ensemble des collaborateurs ? Comment cette proposition est-elle accueillie ?
Cela se fait naturellement car les collaborateurs entendent les membres du CODIR s’exprimer en langage DISC et en moteurs de comportements. Les équipes ont montré leur intérêt et la décision d’élargir la démarche à tous les collaborateurs a été prise assez naturellement, par capillarité. Le besoin de parler du travail en collectif émerge d’autant plus que notre organisation grossit. Dans une petite boîte on connait tout le monde, on a le temps de connaître chacun, on est une petite famille. Lorsque l’on grossit, ce temps convivial se perd.
Comment mettez-vous en place ce projet ?
À la suite de l’envoi des questionnaires, chacun bénéficie d’un débrief individuel suivi d’un debrief en équipe avec les directeurs de programme eux même membres du CODIR. Cette action est menée par la société Grandir.
Ce qui me semble très important est le temps de discussion collective. C’est bien d’aider les personnes à comprendre qui elles sont, mais elles doivent aussi pouvoir l’expliquer dans un environnement bienveillant, de passer un bon moment, d’en rire : « c’est amusant, toi tu raisonnes comme cela, moi pas du tout ». Dans la durée, cela permet de construire des relations plus conviviales.
En termes de bilan de l’action, quels bénéfices pour I4CE ?
Personnellement, je comprends mieux ma personnalité et j’en vois certains aspects d’abord comme des qualités plutôt que comme des défauts. Je comprends ce que j’apporte aux autres en énergie et, sous stress, ce qui gêne. Je suis plus vigilant dans mon rapport aux autres, tout en assumant la personne que je suis dans un collectif et ce que j’apporte à ce collectif. Ce bénéfice, je pense, est partagé par d’autres personnes.
Cela facilite les échanges. Par exemple, je peux dire à une personne intéressée par les détails d’aller plus vite sur certains points, car elle sait que c’est mon caractère. Tout en lui laissant le temps sur d’autres points, car je sais que la personne a besoin d’aller en profondeur. Un équilibre s’établit dans la discussion.
Plus généralement, je crois que les personnes sont plus capables de parler de leur ressenti, de leurs émotions sans être dans le jugement. En s’écoutant plus, en écoutant leurs émotions, leurs réactions, et celles des autres, chacun accueille davantage la diversité et la comprend mieux. Parler de son ressenti n’est plus tabou.
J’entends désormais les uns et les autres parler de leurs comportements et de leurs motivations en plaisantant amicalement. Chacun comprend mieux maintenant les fonctionnements individuels. Cela permet de libérer la parole.
Cela me permet aussi d’identifier des personnes qui souhaitent évoluer dans l’organisation même si elles sont très précautionneuses dans leur demande. Je me dis qu’il est important de les mettre sur un pied d’égalité avec celles qui demandent plus naturellement d’évoluer. Avec les personnes discrètes, j’essaye de prendre le temps d’expliciter leurs besoins quitte à leur dire « tu es légitime pour faire cette demande. La réponse sera peut-être non, mais au moins tu sauras pourquoi ».
En termes de bilan de l’action, quelles difficultés pour I4CE ?
Certaines personnes ont eu plus de mal à accepter leurs profils et à les partager avec d’autres. Surtout quand ce sont des profils moins répandus chez nous, ou quand elles pouvaient avoir l’impression d’être un profil moins « cool ». A nous de faire comprendre que tous les profils sont cools, utiles, et qu’un collectif avec des clones ne saurait fonctionner.
La place du coach est essentielle pour expliquer, rassurer, faire Grandir.
En conclusion, travailler ensemble n’est pas une évidence, il est important de tous le reconnaître et de s’équiper individuellement et collectivement. Nous grandissons tous comme cela. C’est un processus d’apprentissage permanent. Je recommande cette démarche dès lors qu’elle s’inscrit dans cette réflexion globale, que ce n’est pas juste un gadget qu’on fait une fois pour cocher la case « ça s’est fait ».
Propos recueillis par Marie-Luce Barthelémy
[2] Questionnaires DISC et WPMOT (Work Place Motivators)
[3] Damien Demailly : Damien a rejoint I4CE en 2018 pour aider les chercheurs à mettre leur expertise au service de la décision publique et augmenter ainsi l’impact du think tank. Avant de rejoindre I4CE, Damien a travaillé à l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales, au Parlement européen et au WWF-France. Il est ingénieur de l’École polytechnique et de l’École National du Génie Rural et des Eaux et Forêts et titulaire d’un doctorat en économie de l’environnement.