Grandir

Juxtaposition de deux mondes

Interview de Fabiola, maman d’Arthur, étudiant en médecine au moment des confinements

Quand l’enfant grandit, les enjeux et les difficultés qu’il rencontre, changent aussi de dimension. Parce qu’avec la maturité, les premiers choix importants qui orientent toute une vie amènent le jeune adulte à s’interroger. Or ce moment est aussi une étape cruciale de prise de distance avec le cocon parental : ce qui peut être difficile des 2 côtés (parent/enfant). Ce genre de situation a été largement compliqué par le contexte de la pandémie et des décisions politiques qui l’ont accompagnée.

Chez Grandir, nous n’intervenons que très rarement en « coaching de vie », mais cette étape cruciale nous semble illustrer le changement de registre de la croissance, d’une part, et montrer aussi que le contexte peut aggraver une situation, somme toute fréquente, et impose de trouver des idées nouvelles. Aucune critique des choix politiques ne nous intéresse ici.

Contexte : Arthur est en 2ème année de PACES (préparation concours de santé).
Il échoue de peu la première année (en 2020, l’année du premier confinement). Alors qu’il recommence la 2ème année, arrive le deuxième confinement.
Il étudie seul sur un ordinateur à la maison. Il parvient toutefois à alterner des périodes de travail dans sa chambre et des périodes de travail avec un ami entre 8h et 23h. De temps en temps, il dîne avec des amis. Il a donc très peu de vie sociale.

Fabiola, sa maman voit qu’Arthur perd courage :  il est pâle, se dégrade physiquement, ne sort plus, ne fait plus de sport… Elle lui propose de passer une journée au bord de l’océan : sa réponse est négative.  Elle craint une dépression. Une amie à qui elle se confie, lui suggère qu’Arthur effectue un travail manuel. L’objectif est de le remettre en relation avec le réel, avec lui-même, ses capacités, ses limites, les efforts qu’il peut faire pour apprendre, le reconnecter à la vie extérieure. Le cadre apaise, et dans une tâche déterminée, l’intelligence en se focalisant trouve une forme de repos.

Fabiola appelle une entreprise installée à la campagne, et en parle à Arthur
qui en parle à un ami. Ils décident d’y aller ensemble. Tandis qu’elle les conduit,
la situation ne semble guère plus ouverte : « je n’ai rien à dire, ma vie ce sont mes cours, pas la peine de me poser de questions » lui assène Arthur pour couper court à toute conversation. Cependant son humeur avait déjà évolué en arrivant sur le parking : « ça fait du bien de sortir de la ville. »

Pendant 3 jours, Arthur et son ami vont travailler : déménagement de meubles, aménagement de pièces et autres travaux physiques et concrets. Au retour, leur humeur a changé : ils sont fiers de leur toute petite décision de dire OUI, d’avoir décidé de partir, de sortir.

Certes Arthur revient identique, toujours silencieux (il ne ressent pas le besoin de parler), mais Fabiola l’a retrouvé vivant. Il prend conscience de l’importance de prendre sa vie en main. Il intègre médecine au mois de mai 2021. Les cours sont toujours à distance. Il se lance dans un projet humanitaire en Afrique. La Vie revient doucement !

Lorsqu’Arthur est interviewé, il parle des problèmes de concentration et des difficultés à suivre des cours à distance. Il a aussi du mal à se donner un cadre et à le respecter. Face à ces difficultés, il a tenté des solutions : avec un ami, en allant à la bibliothèque dès que celle-ci fut réouverte. Il estime que ces solutions ont plutôt fonctionné. Le travail en extérieur pendant 4 jours a été pour lui un intermède fructueux.

De cette expérience, Arthur a tiré 2 enseignements :

  • D’une part, les moyens qu’il a mis en place pour garder ses capacités d’apprentissage. Certains de ces moyens relevaient plutôt d’activités physiques et concrètes. Là n’est pas la grande découverte, la vraie découverte est d’avoir trouvé les activités qui ont fonctionné pour lui.
  • D’autre part, sa réflexion sur son futur métier s’est approfondie en raison de la perte de sens qu’il perçoit dans le mode d’apprentissage pratiqué. Le médecin ne peut privilégier la santé au détriment de la vie. Cette quête de sens, il l’a rapidement mise en oeuvre en s’engageant dans un projet de solidarité avec le Togo.

Le cas réel illustre comment, un étudiant, fraîchement sorti de l’école,
confronté à une difficulté imposée par le contexte (le confinement),
parvient à étudier lorsqu’il trouve sa solution : se reconnecter au réel
par le travail physique. Nous constatons qu’il se pose alors la question
du Sens ; un autre gisement de croissance !

Propos recueillis par Marie-Luce Barthelémy