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Une transformation réussie

Ali Armand, directeur pédagogique du pôle leadership et management de l’Executive Education de l’École Polytechnique et auteur de « Confiance et Leadership dans un environnement complexe » aux éditions ESF.

Près de 70% des projets de transformation échouent alors que 93% des entreprises ont des projets de transformation.

C’est donc un nombre significatif !

Le principal facteur d’échec des transformations est le manque d’engagement des collaborateurs et des parties prenantes dans le projet.

Lorsque l’on réfléchit aux raisons de ces échecs, vous remarquez que les salariés ne sont pas consultés, leurs demandes et leurs remarques ne sont pas prises en considération. Une fois les projets conçus, déployés, mis en place, près de 70% des salariés ne voient pas plus d’effets significatifs sur leurs pratiques au quotidien.


Ceci nous amène à quelques constats :

  • Généralement, les salariés sont dans une situation de méfiance à priori vis-à-vis des annonces de l’entreprise et des manifestations de bonne volonté pour impliquer et associer les parties prenantes. Les salariés n’y croient pas. Nous avons vu des situations ou les entreprises avaient véritablement l’intention d’associer les salariés mais ces derniers ont considéré les dispositifs comme des feux de paille ou de la poudre aux yeux et non comme une volonté sincère de changement.
  • La confiance est une condition fondamentale dans la réussite des projets de transformation et dans la génération de l’engagement et de l’embarquement des salariés. Nous en reparlerons un peu plus loin.

Un projet de transformation en général contient quatre dimensions :

1. L’élaboration d’une vision et d’un plan stratégique issus, si tout va bien de diagnostic partagé avec le plus grand nombre de salariés. Des entreprises nationales associent l’ensemble des français à leurs initiatives, par exemple La Poste pour son plan stratégique 2020-2025 a organisé des réunions dans lesquelles les français ont été invités, dans une logique d’échantillonnage, à exposer  leur point de vue sur l’évolution des services qu’ils souhaitent avoir.

De plus en plus d’organisation ont conscience de la nécessité de cette première dimension.

Dans l’élaboration de la vision, il est nécessaire d’associer les différentes parties prenantes internes mais aussi externes. Plus l’association se fait en amont, plus il est aisé de déployer le projet de transformation.

2. L’embarquement, le défaut d’embarquement est la cause de 70% d’échec de projets de transformation. Pour embarquer les parties prenantes internes et externes, il y a un certain nombre de conditions.

  1. Reconnaître chez les collaborateurs à la fois la capacité et le droit de s’exprimer sur la situation de l’entreprise  à l’instant « T » et sur le futur de l’entreprise.
  2. Faire disparaître la méfiance à priori et instaurer un climat de confiance au sein de l’organisation. Je le répète,  c’est fondamental car sans la confiance, rien n’est possible. Les personnes feront preuve d’adhésion formelle (le oui extérieur est en réalité un non intérieur). Ils développeront des résistances.
  3. Faire en sorte que les personnes s’engagent. Il est nécessaire de produire du sens et non de donner du sens  (le sens ne vient pas d’en haut). Il s’agit plus de Co produire du sens car nous vivons dans un environnement complexe. Les particularités des environnements complexes sont la caducité et la dispersion des savoirs (le savoir aujourd’hui est partout). Des espaces de co productions sont essentiels pour exprimer ce qui se passe véritablement sur le terrain.
  4. Développer le sentiment d’importance ; les personnes ont besoins de savoir qu’ils sont importants. Le prouver factuellement.
  5. Inclure les personnes dans l’espace délibératif, réfléchir, discuter ensemble de ce qui existe (la situation de  l’entreprise, les besoins de l’environnement…), des défis qui attendent l’entreprise, des attentes des clients, des stratégies des concurrents etc… Se mettre d’accord pour prendre des décisions.
  6. Créer d’un sentiment d’appartenance : l’entreprise dans sa globalité est abstraite et non concrète. Personne n’a affaire avec la totalité de l’entreprise pas même le PDG. Les personnes ont donc des difficultés à s’engager pour des intérêts abstraits et sont méfiants envers la communication « corporate ». Les personnes s’engageront autour de ce qui est important pour les communautés auxquelles elles appartiennent : les équipe de travail, les groupes de proximité (lieux d’entraide, de partage de ressources, de difficultés etc…). Ce qu’on appelle en sociologie la solidarité mécanique.
  7. La confiance organisationnelle est la pierre angulaire ; elle apporte un sentiment de sérénité et de sécurité qui facilite l’engagement dans une communauté. Là aussi certaines conditions doivent être réunies :
  • Définir le cadre
  • Fixer des objectifs pertinents interconnectés avec les ressources à disposition
  • Mettre en place des espaces délibératifs
  • Montrer des signes de reconnaissance
  • Partager la vision
  • Montrer de la transparence (dire la vérité)

3. Le déploiement, pour mettre en place le projet

  1. Cartographier les acteurs et les parties prenantes promoteurs du projet
  2. Cartographier les barrières pour les réduire et non avoir l’ambition de les détruire. Les barrières peuvent résider dans la structure de l’organisation, la hiérarchie, les ressources, la culture etc…
  3. Définir une roadmap avec des projets spécifiques
  4. Piloter avec des objectifs réalistes

4. L’ancrage enracine le projet à travers les succès même modestes

  1. Obtenir des résultats rapides
  2. Accompagner les personnes
  3. Analyser les modalités de réussite
  4. Devenir des leaders de la transformation
  5. Communiquer autour des résultats

Des entreprises réussissent magnifiquement leur projet de transformation.

La plus difficile et longue transformation n’est pas l’absorption d’une entreprise par une autre mais bien la transformation des comportements et des repères culturelles des hommes et des femmes dans les organisations.

Propos recueillis par Marie-Luce Barthelémy