Grandir

Définition : empathie

Albert Camus a écrit « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. » [1] , c’est dans cet esprit que nous vous proposons d’explorer des définitions percutantes de mots que nous utilisons voire usons abondamment dans nos relations de travail.

  • Demander « qu’est-ce que l’empathie ? » et vous vous entendrez répondre le plus souvent : « se mettre à la place de l’autre » !
  • Regardons de plus près ce que nous disons et vérifions que nous sommes d’accord avec ce que nous avançons ainsi. « Se mettre » est déjà un acte décidé par celui qui se place ainsi. Y a-t-il été invité ? À la place de l’autre, est-ce lui prendre sa place ? Bien évidemment,  vous le voyez, ces provocations ne signifient pas du tout ce que nous entendons par l’empathie. C’est donc cette définition qui crée la confusion.
    Appelons un bon auteur à la rescousse et nous verrons qu’il va nous en apprendre encore sur ce qu’au fond, nous pensons vraiment lorsque nous parlons d’empathie.
  • Carl Rogers décrit ainsi l’empathie : « approcher du monde de l’autre sans préjudice en gardant de côté ses vues et ses valeurs. ».
    Dans la traduction choisie ici, nous faisons ressortir des nuances de prudence… il s’agit seulement d’approcher l’autre et même le monde de l’autre avec sa part de mystère. Cette approche se faisant « sans préjudice » décale le problème de l’assentiment [2] : il s’agit plus de ne pas nuire (primum non nocere) que de demander l’autorisation. Il arrive en effet que dans certaine situation psychique, le discernement d’une personne soit altéré ; et c’est plus fréquemment le cas dans des situations de psychothérapie.
    Il y est aussi question de sa part à soi, qu’il convient de « mettre de côté ». Comment interpréter ce « côté » ? D’abord, il est certain qu’il soit alors nécessaire d’abandonner pour un temps son « point de vue », qui a la fâcheuse tendance à s’imposer en surplombant intérieurement l’autre. Mais le « mettre de côté » pour qu’il n’interagisse pas signifie aussi le préserver, le garder intact (en ce sens l’empathie n’envisagerait pas la compassion).
    Ensuite, ce « côté » serait aussi un poste d’observation latéral c’est-à-dire d’égal. De cette égalité qui vient de la conviction profonde du « moi aussi, je pourrai être à ta place ».

En conclusion, bien comprendre l’empathie et vouloir la pratiquer, c’est veiller à avoir une attitude assez complexe qui ne peut exactement être spontanée. Carl Rogers lui attribuait une vertu curative. A minima, elle permet à chacun de se découvrir soi-même. Par l’écoute empathique d’un autre, je peux explorer ma part d’ombre, qui n’est pas que négative. L’échange empathique qui gagne à être réciproque, est bien l’outil clé d’un développement personnel fondé sur la découverte de soi-même, de ses solidités® et de son désir profond.

Marc-Antoine de Bagneaux

[1] Albert Camus, « Sur une philosophie de l’expression », Poésie 44, no 17, p. 211. Référence fournie par Tristan Grellet. Mal nommer… – Citations vérifiées (citationsverifiees.fr)

[2] L’assentiment, dans son sens moderne, renvoie à un geste d’approbation à une opinion, ou une action. L’assentiment est marqué soit par un signe de tête, soit par une déclaration verbale ou une signature sur un document.

Le consentement est un acte qui donne la permission de faire quelque chose ou de le subir.

En ce sens assez contemporain, l’assentiment part d’une intention de participer ou de s’engager alors que le consentement ne s’oppose pas mais n’induit pas d’intention de participer.