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Interview d’EAC

EAC a suivi le parcours Tremplin en 2024-2025… alors que l’heure théorique de la retraite arrive. Pourquoi a-t-elle suivi ce parcours dédié à la transition professionnelle ? car elle considérait qu’elle avait encore un bon réseau et une pratique spécifique et utile du réseau qui pouvait encore servir ou qui pouvait être transmise.

MAB : Ce ne doit pas être simple de résumer ta carrière, comment t’y prendrais-tu ?

EAC : J’ai eu 4 métiers : chercheur dans la fonction publique, consultante et conseil en formation (en fait gérante d’un cabinet de conseil), Secrétaire générale d’un centre de formation et de conseil d’une fédération d’entreprises (la Fédération des entreprises de Propreté et Multiservice) et Directrice d’établissements de Santé (Cliniques, Hôpitaux, centres de santé)

MAB : As-tu connu des virages radicaux, des ruptures de parcours, des changements d’orientation provoqués par des contraintes ?

EAC : en effet, à commencer par un accident grave qui m’a cloué un certain temps. Cela oblige à se poser des questions. Juste avant, j’avais déjà connu un sentiment de vide car j’étais partie pour devenir chercheuse toute la vie… et j’ai fui le système administratif. Résultat : j’étais perdue… je ne savais pas ce que j’allais devenir.

MAB : ça, c’était le premier grand changement de métier, comment as-tu rebondi dans la formation ? As-tu utilisé ton réseau ?

EAC : Mon réseau ? À l’époque, pas vraiment car j’étais partie sans réseau ou du moins sans réseau utile. Tout mon réseau après l’accident, c’était mes proches et j’ai écouté mon père qui m’a suggéré de reprendre des études. J’ai suivi une formation en alternance à l’IFACE (abritée par l’ESCP) qui nous préparait aux métiers du conseil et de la formation. Cette formation m’a permis d’apprécier le travail en équipe : nous avions des missions dans diverses entreprises que nous menions à plusieurs alternants. Résultat, nous intervenons, entre autres, pour la fédération des entreprises du Cuir qui nous apprécie et nous recommande à une autre fédération d’entreprises. Et en parallèle, puisque nous voyons l’intérêt de travailler en équipe, avec 3 autres alternants à l’IFACE, nous décidons de reprendre une société de conseil en formation (GEMMA)

MAB : Quel est ton rôle chez GEMMA ?

EAC : Eh bien ! Les circonstances vont m’amener à prendre en charge la gestion de l’administratif et des propositions, bref à prendre la fonction de gérante. Cela arrangeait les autres qui pouvaient se dédier au développement de leur clientèle en tant qu’indépendants. Quant à moi, je n’avais pas le même besoin car en parallèle, la Fédération des Entreprises de Propreté me propose de créer et de piloter un Centre de Formation d’Apprentis en Bretagne.

MAB : Si je comprends bien, après l’IFACE, ce n’est pas un métier nouveau que tu as abordé mais deux simultanément !

EAC : exactement ! Et je vais vivre avec eux les changements des politiques nationales de formation (la fin de l’ASFO, la création des OPCA et la séparation entre l’expertise formations et la gestion de la collecte).

MAB : Que t’apporte ce travail à l’interface entre Grandes Entreprises, PME, syndicats patronaux, chambres consulaires et administrations ?

EAC : je crois que j’ai développé un savoir-faire réseau justement envers ces divers publics. Ce que je m’efforce de faire : comprendre l’enjeu de chacun et lui parler son langage. Surtout lorsque lui n’arrive pas à comprendre celui qui travaille dans un monde très différent.

MAB : Tu peux illustrer ?

EAC : les 35 h ! Les patrons de PME sont contre, ils voient cela comme un obstacle. Moi, je comprends ce que l’État va mettre pour accompagner les entreprises et je vois bien que les grandes entreprises n’ont pas besoin de moi pour en profiter. En revanche, dire aux patrons de PME : « vous allez gagner de l’argent si vous anticipez le passage aux 35h et je peux vous accompagner », c’est parler leur langage. Je joue le rôle de pont entre les réseaux publics et institutionnels et les réseaux privés.

MAB : Pourtant, tu vas encore changer de métier…

EAC : oui mais ce savoir-faire, le pont entre les réseaux, c’est un savoir-faire que j’ai conservé et qui m’est encore utile.

MAB : avant de passer à ton activité dans la Santé, comment s’est passée ta séparation avec la fédération.

EAC : J’avais pris du grade dans cette fédération puisque j’en étais devenue la Secrétaire Générale Nationale. Ces fédérations ont des Directeurs Régionaux, exigeants et ambitieux, d’une part. D’autre part, la gouvernance de cette structure est parfois plus orientée vers les ambitions personnelles que vers la finalité de la Fédération (défendre un métier). Ce fut le cas, je me suis trouvée un jour face à un membre du Conseil qui a voulu me parler de ma manière de faire avec les personnes. Il était piloté par des Directeurs régionaux. J’ai tout de suite coupé court à la conversation en proposant de passer à la phase de négociation de la transaction. J’avais prévenu mon Président. Le membre du Conseil a été surpris. Le résultat fut qu’il a eu beaucoup d’estime pour moi. Ainsi que les 2 Directeurs Régionaux. Au bilan, j’ai gardé tout le monde dans mon réseau.

MAB : et le rebond dans la Santé, encore une histoire de réseau

EAC : Eh oui ! un appel d’un Grand Cabinet en Organisation qui a une mission qu’ils ne veulent pas traiter et qu’ils me proposent de prendre pour GEMMA (car GEMMA existe toujours à l’époque). Je tombe sur une personne qui me propose immédiatement de devenir DG d’une clinique. Je lui fais une contre-proposition : 3 mois de diagnostic d’abord puis décision. Au bout de quelques jours, je lui ai vivement recommandé de se mettre en cessation de paiement. Après un Plan Social, l’entreprise est vendue… et rachetée par EMEIS (Ex ORPEA). C’est comme ça que je me suis retrouvé dans ce groupe et que j’ai piloté plusieurs établissements, puis plusieurs régions, puis plusieurs métiers et enfin plusieurs pays en tant qu’experte métier des opérations.

MAB : et maintenant ?

EAC : sortie d’EMEIS, comme toute une génération de managers, que j’ai gardée en réseau. Je poursuis mon activité professionnelle en mettant ces compétences de pont, d’interface et de direction générale au service d’entreprises en croissance.

En plus, je viens de prendre une mission de 9 mois pour accompagner une association dans sa réorganisation et développement stratégique.

Voilà comment je partage mon réseau et mes méthodes avec les jeunes managers.

Propos recueillis par Marc-Antoine de Bagneaux